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1• La pensée en arborescence
• L'origine de la confusion • L'aspect fonctionnel • L'aspect énergétique 2• La pensée simultanée •
[1] Antoine Houdar de La Motte (1672-1731), in Les amis trop d'accord. [2] Changeux (J-P), in L'homme neuronal, Fayard, 1993. Voir aussi Laborit...
[3] Pensée-flash :
nous nom- mons pensée-flash, une pro- duction cognitive, non-cons-
ciente liant par analogie des éléments auto-didactiques ou didactiques,
de façon automa- tique et à émergence fulgu- rante. Non mémorisée,
cette pensée doit être exposée dans l'instant sous peine de sentiment
de perte.
[4] Mythographes
: produc- teurs de mythes et autres légendes urbaines, de conte- nus
simplistes et non-scien- tifiques, mais proférés docto- ralement sur les plateaux TV.
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Selon un vieil adage : « Tous les chemins mènent à Rome. », mais lorsque vous voulez vous y rendre, vous n'en utilisez qu'un seul ! C'est toute la différence entre la carte et le trajet. Confondre les deux est pour le
moins problématique. C'est pourtant ce que profère la "théorie" de la pensée en arborescence, reprise à l'encan sur Internet et ailleurs. Examinons cette pseudo théorie à deux niveaux : fonctionnel et
énergétique.
L'origine de la confusion
Le cerveau bien que ne représentant qu'environ 2% du poids du corps, utilise ± 20% de l'énergie consommée par celui-ci (oxygène et glucides). Un individu moyen (±75 kg, activité moyenne) consomme
une ration calorique évaluée à 2500 kcal par jour. Le cerveau consomme
donc 20 % de la ration soit : 500 kcal/jour. La consommation
énergétique d'un travail cognitif moyen est évalué à 5% , soit
une consommation énergétique de 25 kcal. Si
nous utilisions
notre cerveau de façon arborescente, la moindre pensée utiliserait donc
475 kcal, c'est-à-dire que le cerveau ne disposerait plus d'énergie
pour réguler son propre métabolisme, pendant le travail cognitif. Ce
dernier ne pourrait
alors survivre bien longtemps, entraînant la mort de l'individu.
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Cette affirmation pseudo-logique qui résulte d'une analogie toute gratuite ne tient pas scientifiquement.
Un autre vieil adage ne spécifie-t-il pas : « Comparaison n'est pas raison. » Dont acte.
Avatar de même source
rédactionnelle, mais d'origine différente quant à la conception, il se profère doctement et
pollue nombre de blogs et articles divers. C'est le fils naturel du
concept précédent.
Raisonnement pseudo-logique : Puisque les surdoués ont un fonctionnement en arborescence, ils peuvent donc mener simultanément plusieurs tâches.
(On ne prête qu'aux riches !)
Je recevais, il y a peu, un ingénieur surdoué qui me faisait part de ses difficultés avec ses collègues : « Je traite en même temps trois dossiers quand les autres n'arrivent que péniblement à en traiter un. D'où jalousie !
— C'est donc un traitement simultané ? — Non, pas vraiment, je passe alternativement d'un dossier à l'autre, je passe 10 mn sur l'un, puis je passe au suivant, puis reviens au premier et ainsi de suite. Ça me permet de maintenir la concentration et d'éviter l'ennui ou la fatigue » Cette stratégie est habile : « L'ennui naquit un jour de l'uniformité » [1] , car la fatigue se combat tout autant par le changement d'activité que par l'absence d'activité. Mais, il n'y a rien là de simultané. Cette pensée prétendue « simultanée » résulte de la confusion :
1/
avec le traitement simultané de la perception, la construction
cérébrale d'une image se distribue simultanément sur différents modules
neuronaux (contraste, couleur (RVB), luminosité, etc.) informations convergeant ensuite pour mémoriser un global-image, idem pour le son (fréquence, amplitude, harmoniques, répétition, durée...) donnant un global-son. Il y a une différence entre le percept (sensation) et le concept (Changeux [2]). Pensée n'est pas perception et vs.
2/ avec la rapidité du rendement idéationnel propre aux surdoués. Rapidité n'est pas simultanéité.
•
Il est souvent évoqué, comme
conséquence de la « pensée en arborescence », la difficulté d'opérer un
choix dans l'amplitude des acquisitions, or cela ne résulte pas d'une
arborescence, mais de l'inhibition de latence,
c'est-à-dire de l'incapacité à inhiber les éléments non-pertinents
ou de la difficulté à assumer le choix par peur des conséquences.
Autre exemple : l'arbre généalogique. Il se déploie certes en arborescence, mais il est bien séquentiel et se développe dans le temps (de 20 à 30 ans entre chaque génération) et l'espace (migrations, exode rural...). Un excellent exemple visuel de la séquentialité de la pensée est présenté par Dehaene dans Les neurones de la lecture. Lien •
Avoir
l'intuition de... est excellent, les scientifiques ne procèdent
pas autrement en élaborant des hypothèses, mais la grande différence
d'avec les mythographes [4], c'est qu'ensuite ils vérifient longuement et précisément leurs intuitions à partir de l'analyse de faits objectifs
et de calculs, les soumettent à la contradiction de leurs collègues
avant de publier le résultats de leurs recherches. Les mythographes
s'en tiennent seulement à l'intuition, leurs discours sont logiques
certes, mais le point de départ étant invérifié/invérifiable, leurs
conclusions ne relèvent que du mythe et non de la réalité.
Il est navrant de voir proliférer de telles fausses représentations sous prétexte de vulgarisation, thèses qui non seulement ne s'appuient sur aucun travail scientifique sérieux, mais vont tout-à-fait à l'encontre eds résultats de ceux-ci. Le simplisme a des limites. Il ne sert ni ces auteurs, ni la population qu'ils sont censés décrire et accompagner.
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